Des milliards de Terriens à l'heure africaine
Tous les quatre ans, le virus se répand plus vite que celui de la grippe A. Dans les cours de récréation, au café, dans les entreprises, les conversations vont de nouveau tourner pendant un mois autour de la même obsession : la Coupe du monde de football dont le coup d'envoi sera donné vendredi 11 juin à Johannesburg, en Afrique du Sud.
En 2006, 26 milliards de Terriens - en audience cumulée - ont suivi les retransmissions télévisées des matches du Mondial allemand. Beaucoup plus que pour les Jeux olympiques de Pékin, qui avaient pourtant établi un nouveau record olympique en 2008 avec 4,7 milliards de téléspectateurs.
Spectacle le plus populaire, la Coupe du monde de football revêt cette année une dimension particulière. Pour la première fois depuis sa création, en 1928, elle est organisée sur le continent africain. Il y a deux ans, la Chine s'était servie des JO pour exhiber sa puissance à la face du monde. Les autorités sud-africaines entendent aujourd'hui profiter du Mondial pour montrer le visage d'une nation réconciliée, dix-neuf ans après la fin de l'apartheid.
"C'est la meilleure chance de démontrer nos capacités et de renforcer ainsi notre attractivité", déclarait encore le président sud-africain, Jacob Zuma, quelques jours avant le début de la compétition. Son prédécesseur, Thabo Mbeki, avait pris des accents de prophète dans une lettre adressée au président de la Fédération internationale de football (FIFA), Joseph Blatter, après l'attribution du Mondial à son pays : "Nous sommes certains qu'un jour les historiens évoqueront la Coupe du monde 2010 comme le moment où l'Afrique a redressé la tête et a résolument tourné le dos à des siècles de pauvreté et de conflit."
Comme le note Didier Lucas, le directeur de l'Institut Choiseul - think tank spécialisé dans les relations internationales - dans le numéro d'été de la revue Géoéconomie, intitulé "Football, puissance, influence", "à l'heure du soft power, le football est probablement l'un des meilleurs instruments de rayonnement d'un Etat".
QUEL HÉRITAGE ?
Ce n'est pas le président français qui dira le contraire. "Qu'y a-t-il de plus fort que le football ?", avait lancé Nicolas Sarkozy, à Genève, fin mai, pour plaider la candidature - victorieuse - de la France à l'organisation de l'Euro 2016.
Même enthousiasme du côté de la FIFA, dont le patron estime ni plus ni moins que "cette Coupe du monde sera la clé de voûte de l'intégration de l'ensemble de la population sud-africaine". Pour la FIFA, ce Mondial est aussi l'occasion de reconnaître l'apport du continent africain - dont des bataillons de joueurs font la fortune des clubs européens - au football mondial.
Selon un sondage réalisé pour le compte de la FIFA, en mai, auprès de 1 000 Sud-Africains, 89 % des personnes interrogées estiment que la Coupe du monde laissera "un héritage durable". De nouvelles routes ont été construites, un train rapide a été inauguré et le réseau de télécommunication modernisé. Au total, le gouvernement aura investi 3,5 milliards d'euros, dont 1,8 milliard pour les seuls stades (contre 900 millions initialement prévus). Selon le cabinet d'audit Grant Thornton, le Mondial devrait rapporter 9 milliards d'euros à l'Afrique du Sud.
Mais, au-delà des retombées économiques pour le pays de Nelson Mandela, quelles traces le Mondial 2010 laissera-t-il pour le football et le continent africain ? "Après la Coupe du monde, le foot africain retombera dans son ronronnement. Il faut relativiser son impact, estime Pape Diouf, l'ancien président franco-sénégalais de l'Olympique de Marseille, qui s'exprimait fin mai dans un colloque sur l'influence du football. Le 11 juin, les gens à Libreville ou à Dakar ne diront pas : "Ça y est, l'Afrique a décollé !", mais "la Coupe du monde a débuté" .
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Et, en France, une seule question devrait effacer toutes les autres : les Bleus - dont on a presque oublié qu'ils étaient vice-champions du monde - et leur entraîneur honni vont-ils passer le premier tour ?