Steve Biko, le leader sud-africain. (article+video) La conscience Noire.
Steve Biko, le leader sud-africain
Le 12 septembre 1977, à 31 ans, Steve Biko mourait, seul, dans une cellule de la prison centrale de Pretoria (Afrique du Sud), d’une lésion cérébrale. La photo de son cadavre gisant à même le sol, nu, couvert de plaies et d’ecchymoses fit le tour du monde grâce au journaliste britannique qui fut aussi son ami, Donald Woods, auteur de sa biographie la plus complète (1979).
Arrêté le 21 août à Port Elisabeth, près de sa ville natale où il était assigné à résidence après des mesures de bannissement, Biko fut amené dans les locaux de la police de sécurité de la ville et interrogé à son quartier général. Roué de coups à plusieurs reprises, enchaîné et totalement dévêtu, il était dans un état déjà très grave le 7 septembre, reconnaîtront plus tard les autorités dans un rapport qui accuse les médecins de n’avoir pas décelé les « lésions neurologiques » causées par « une chute accidentelle »...
Il fallut attendre le 11 septembre pour que l’on recommande son transfert immédiat à l’hôpital. La police choisit celui de Pretoria, 1 200 km plus loin. Dans un état comateux, Steve Biko fut transporté jusqu’à la capitale dans l’arrière d’une jeep, toujours nu, à même le plancher. Son décès, pour lequel les autorités donnèrent jusqu’à huit versions différentes, fut constaté le lendemain.
Le leader charismatique du mouvement de la "Black Consciensousness" , la Conscience Noire devint alors le symbole de la résistance contre l’apartheid, un des grands martyrs d’Afrique du Sud. Sa renommée atteint l’Occident, où chansons et film à succès lui furent consacrés.
Né en 1946 à Ginsberg, une township Noire près de King William’s Town (Eastern Cape), Stephen Bantu Biko grandit dans une atmosphère de révolte : son père Mzimkhayi fut tué par un policier Blanc lors d’un rassemblement militant le 12 septembre 1951.
Après une scolarité marquée par des actes de défiance et d’insoumission qui lui valurent d’être expulsé du secondaire, Biko fit ses premières armes politiques à l’université de Durban, où il put s’inscrire dans la section « non européenne » de la faculté de médecine. Actif dans un premier temps au sein du syndicat des étudiants crée par les Blancs libéraux, l’Union Nationale des Etudiants Sud-Africains (National Union of South African Students, Nusas), Biko décida en 1969 de fonder, avec d’autres étudiants noirs, l’Organisation des Etudiants Sud-Africains (South African Student Organisation, SASO), dont il prit la tête.
La critique du paternalisme Blanc, la question de l’émancipation des Noirs et de leur prise de conscience, sont désormais au cœur de son discours.
Fortement inspirée par le mouvement Noir non violent des Etats-Unis et comme lui influencé par la culture chrétienne, la Conscience Noire -concept élaboré en 1967 et qui influença le travail de jeunes artistes utilisant la poésie comme arme, comme LKJ (le Dub-Poet Jamaïcain), Brother Resistance (le Rapso-Poet de Trinidad) et le groupe de reggae Steel Pulse -prend alors son essor, et conquiert surtout un public de jeunes, plus radicaux que leurs camarades de l’ANC dont la lecture non exclusivement raciale du conflit leur paraissait une prédisposition au compromis.
Pourtant, ce qui était devenu le Mouvement de la Conscience Noire (Black Consciousness Movement, BCM) maintint sa posture non violente. Et choisit de transcender le champ politique direct, en agissant sur le terrain au travers de projets éducatifs, culturels ou sociaux.
Ainsi faisant, il mena en réalité une puissante campagne de politisation : « Le principe de base de la Conscience Noire est le rejet par l’homme Noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu’à sa dignité humaine », affirmait Biko en 1976.
Plus tôt, dans un discours à Cape Town en 1971, il avait lancé : « L’arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés ! » « Pour commencer, avait-il expliqué à un journaliste Britannique, il faut que les Blancs réalisent qu’ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu’ils sont aussi humains, pas inférieurs... »
Cependant, et contrairement au PAC dont la doctrine de l’« Africanisme » insistait sur la primauté des valeurs traditionnelles africaines, la création d’un Etat centré sur l’identité Africaine, ou encore la mobilisation des Africains en tant que Nation (Azania), le BCM de Biko envisageait, à terme, un Etat où la majorité Noire aurait certes assumé le rôle dirigeant qui lui revient par la démographie et l’Histoire, mais dans un contexte politique et institutionnel non racial. Lucide. Comme lorsque, trois mois avant sa mort, il déclarait : « Soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t’en soucier. Ta façon de mourir peut elle-même être une chose politique (...) car si je n’arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l’Apartheid, l’horreur de la mort y parviendra sûrement. »
Son lâche assassinat suscita une telle indignation internationale que le Conseil de Sécurité de l'ONU procéda enfin au renforcement de l’embargo sur les armes, décrété en 1963, qu’il avait refusé après la répression sanglante de la révolte de Soweto, une année auparavant. Comme le déclara Nelson Mandela lors de son élection en 1994 : « Biko a été le premier clou dans le cercueil de l’apartheid. »
Augusta Conchiglia
Inégalités, Mouvement de contestation, Afro-Américains, Racisme, Apartheid, Afrique du Sud
Arrêté le 21 août à Port Elisabeth, près de sa ville natale où il était assigné à résidence après des mesures de bannissement, Biko fut amené dans les locaux de la police de sécurité de la ville et interrogé à son quartier général. Roué de coups à plusieurs reprises, enchaîné et totalement dévêtu, il était dans un état déjà très grave le 7 septembre, reconnaîtront plus tard les autorités dans un rapport qui accuse les médecins de n’avoir pas décelé les « lésions neurologiques » causées par « une chute accidentelle »...
Il fallut attendre le 11 septembre pour que l’on recommande son transfert immédiat à l’hôpital. La police choisit celui de Pretoria, 1 200 km plus loin. Dans un état comateux, Steve Biko fut transporté jusqu’à la capitale dans l’arrière d’une jeep, toujours nu, à même le plancher. Son décès, pour lequel les autorités donnèrent jusqu’à huit versions différentes, fut constaté le lendemain.
Le leader charismatique du mouvement de la "Black Consciensousness" , la Conscience Noire devint alors le symbole de la résistance contre l’apartheid, un des grands martyrs d’Afrique du Sud. Sa renommée atteint l’Occident, où chansons et film à succès lui furent consacrés.
Né en 1946 à Ginsberg, une township Noire près de King William’s Town (Eastern Cape), Stephen Bantu Biko grandit dans une atmosphère de révolte : son père Mzimkhayi fut tué par un policier Blanc lors d’un rassemblement militant le 12 septembre 1951.
Après une scolarité marquée par des actes de défiance et d’insoumission qui lui valurent d’être expulsé du secondaire, Biko fit ses premières armes politiques à l’université de Durban, où il put s’inscrire dans la section « non européenne » de la faculté de médecine. Actif dans un premier temps au sein du syndicat des étudiants crée par les Blancs libéraux, l’Union Nationale des Etudiants Sud-Africains (National Union of South African Students, Nusas), Biko décida en 1969 de fonder, avec d’autres étudiants noirs, l’Organisation des Etudiants Sud-Africains (South African Student Organisation, SASO), dont il prit la tête.
La critique du paternalisme Blanc, la question de l’émancipation des Noirs et de leur prise de conscience, sont désormais au cœur de son discours.
Fortement inspirée par le mouvement Noir non violent des Etats-Unis et comme lui influencé par la culture chrétienne, la Conscience Noire -concept élaboré en 1967 et qui influença le travail de jeunes artistes utilisant la poésie comme arme, comme LKJ (le Dub-Poet Jamaïcain), Brother Resistance (le Rapso-Poet de Trinidad) et le groupe de reggae Steel Pulse -prend alors son essor, et conquiert surtout un public de jeunes, plus radicaux que leurs camarades de l’ANC dont la lecture non exclusivement raciale du conflit leur paraissait une prédisposition au compromis.
Pourtant, ce qui était devenu le Mouvement de la Conscience Noire (Black Consciousness Movement, BCM) maintint sa posture non violente. Et choisit de transcender le champ politique direct, en agissant sur le terrain au travers de projets éducatifs, culturels ou sociaux.
Ainsi faisant, il mena en réalité une puissante campagne de politisation : « Le principe de base de la Conscience Noire est le rejet par l’homme Noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu’à sa dignité humaine », affirmait Biko en 1976.
Plus tôt, dans un discours à Cape Town en 1971, il avait lancé : « L’arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés ! » « Pour commencer, avait-il expliqué à un journaliste Britannique, il faut que les Blancs réalisent qu’ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu’ils sont aussi humains, pas inférieurs... »
Cependant, et contrairement au PAC dont la doctrine de l’« Africanisme » insistait sur la primauté des valeurs traditionnelles africaines, la création d’un Etat centré sur l’identité Africaine, ou encore la mobilisation des Africains en tant que Nation (Azania), le BCM de Biko envisageait, à terme, un Etat où la majorité Noire aurait certes assumé le rôle dirigeant qui lui revient par la démographie et l’Histoire, mais dans un contexte politique et institutionnel non racial. Lucide. Comme lorsque, trois mois avant sa mort, il déclarait : « Soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t’en soucier. Ta façon de mourir peut elle-même être une chose politique (...) car si je n’arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l’Apartheid, l’horreur de la mort y parviendra sûrement. »
Son lâche assassinat suscita une telle indignation internationale que le Conseil de Sécurité de l'ONU procéda enfin au renforcement de l’embargo sur les armes, décrété en 1963, qu’il avait refusé après la répression sanglante de la révolte de Soweto, une année auparavant. Comme le déclara Nelson Mandela lors de son élection en 1994 : « Biko a été le premier clou dans le cercueil de l’apartheid. »
Augusta Conchiglia
Inégalités, Mouvement de contestation, Afro-Américains, Racisme, Apartheid, Afrique du Sud