Mauritanie : Le Dernier Pays Esclavagiste d'Afrique
Mauritanie : Le Dernier Pays Esclavagiste d'Afrique
LES ÉTUDIANTS NÉGRO-MAURITANIENS SE BATTENT CONTRE "L’ARABISATION" Des Nouvelles manifestations dans la capitale de la Mauritanie, Nouakchott.
L’idée même qu’il y ait de l’esclavage au XXIème siècle, en 2010 paraît invraisemblable, et pourtant l'esclavage en Mauritanie continue d'exister bien qu'il ait été aboli en 1981.
En Mauritanie, l’esclavage sévit encore de nos jours dans le Nord et le Centre ou l’on trouve encore des enfants objets de rapt ou parfois de vente hors de la Mauritanie vers les pays arabes.
La société mauritanienne se compose de deux grands groupes ethnico-culturels : les Arabo-berbères (couramment appelés Maures) et les Négro-africains (Afro-mauritaniens).
Les Arabo-berbères regroupent les "Maures blancs” ou Beydanes et les "Maures noirs" ou Haratine.
Les Négro-africains regroupent les Halpulaaren (composés des Peuls et des Toucouleurs), les Soninkés, les Wolofs et les Bambaras.
La question de l’esclavage, en Mauritanie est un sujet tabou absolu. Certaines affaires parviennent néanmoins à sensibiliser les médias. Mais très peu sont dénoncées, pour aucun résultats.
Il est toujours difficile d’obtenir des informations fiables. En 1998, le représentant de la Société anti-esclavagiste dénonçait une vente de 40 personnes, en Mauritanie, organisée en toute impunité.
Les députés mauritaniens ont voté le 8 aout 2007 une loi criminalisant l’esclavage. Les "maîtres" qui n’abandonneront pas cette tradition risquent désormais jusqu’à 10 ans de prison. Le texte s’appuie notamment sur une condamnation de la pratique par l’islam.
Au delà de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement, le régime mauritanien tolère pour ne pas dire couvre de graves tares sociales comme l’esclavage.
Dans ce pays, la pratique de l’esclavage au sens plein du terme (c’est-à-dire la possession des hommes à l’égal des autres biens meubles) est une coutume bien enracinée dans le temps.
Celui qui naît esclave le demeure à jamais. Le poids de la tradition, la servitude acceptée comme héritage culturel et l’absence de protection légale font qu’il est encore bien difficile, aujourd’hui, de briser les chaînes de l’esclavage. D’autant que ce sujet reste, en Mauritanie, le tabou absolu de tous les tabous.
Officiellement, l’esclavage a été aboli en Mauritanie en 1981. Mais c’était une abolition "pour la forme" , destinée à faire tomber la pression internationale.
Les esclaves sont des créatures sans nom. Né en esclavage, un âbd (pluriel : âbid) prend le nom de la famille de son maître, condamné à ne jamais rien savoir de ses origines.
- Ici, on prête ou on loue un "Homme" soit pour un travail servile, soit comme étalon pour féconder des femelles-esclaves, propriétés d’un autre maître.
- Ici, les esclaves ne se marient qu’en fonction du besoin du maître : les enfants sont séparés de la mère vers l’âge de deux ans, et appartiennent au maître ; ils peuvent être mutilés en cas de "fautes graves".
Les Haratines ou abid (esclaves) sont ceux qui font tout et n’ont droit à rien, privés jusqu’au droit à l’héritage de leurs ascendants : les maîtres ceux qui ne font rien et ont droit à tout ! Il y a lieu de rappeler ici que par trois fois l’esclavage a été aboli "officiellement"… en vain !
Quand on parle de l’esclavage en Mauritanie le pouvoir mauritanien crie toujours au "complot international ourdi par le monde occidental et leurs « valets » contre le monde arabe et le monde musulman".
Des centaines d'étudiants négro-mauritaniens se sont regroupés une nouvelle fois sur le campus de l'université de Nouakchott le 6 avril 2010 pour exprimer leur indignation contre ce qu'ils appellent "l'arabisation complète" de la Mauritanie. Un sit-in qui avait fait suite à plusieurs manifestations provoquées par les discours du premier ministre et de la ministre de la culture lors de la journée de promotion de la langue arabe le 1er mars 2010 dernier.
Le climat était tendu sur le campus de l'université de Nouakchott. Sous haute surveillance policière, des étudiants négro-mauritaniens étaient venus, une fois encore, crier leur ressentiment envers les propos du premier ministre MOULAYE OULD MOHAMED LAGHDAF et de la ministre de la culture CISSÉ MINT BOIDE, émis lors de la journée de la promotion de la langue arabe le 1er mars 2010.
Des propos sans appel, prônant la primauté de la langue arabe dans des domaines aussi variés que la télévision, l'enseignement ou l'administration, reléguant le français et les dialectes nationaux comme le poular, le wolof et le soninké au rang de simples langues vernaculaires.
"Tout est arabisé !", clame YACOUBA DIAKITÉ, secrétaire général du Syndicat National des Etudiants Mauritaniens (SNEM), à propos des émissions de télévision mauritaniennes, dans un article de Carrefour de la République Islamique de Mauritanie. Il s'insurge contre les propos des deux ministres qu'il qualifie de "calamités" discriminatoires ne prenant pas en compte la diversité culturelle, ethnique et linguistique du pays. Cette dernière manifestation fait suite à un premier mouvement de contestation ayant eu lieu le mercredi 24 mars 2010.
Majoritairement représentés par les membres du SNEM et des clubs bilingues de l'université de Nouakchott, les manifestants ont battu le macadam en scandant une double revendication : obtenir des excuses de la part du premier ministre qui, en imposant la langue arabe comme instrument d'échange et de travail dans l'administration, a engendré un sentiment d'oppression culturelle chez les négro-mauritaniens. Et, la démission de la ministre de la culture et de la jeunesse qui est, selon NDIAYE KANE SARR, porte parole du mouvement, incapable de représenter le multiculturalisme d'un pays comme la Mauritanie. "Les langues nationales font obstacles à l'émergence de la langue arabe", s'exprime-t-elle : ces propos ont choqué.
La manifestation s'est très vite placée sous le signe de la violence avec une première bagarre éclatant entre étudiants négro-mauritaniens et étudiants arabes venus scander des "oui à l'arabisation !". Violences qui ont conduit à l'arrestation d'étudiants en marge de la manifestation par les forces de l'ordre. Le nombre de ces étudiants varie selon nos sources, allant de 4 selon Atlas Vista et huit selon RFI. Ils ont été libérés 24h plus tard sans être inquiétés.
Ces évènements multiples ont suscité de vives réactions chez le premier ministre, bien décidé à justifier ses propos dans une interview accordée à trois journalistes de la presse privée publié sur le site de l'Union des forces de progrès.
Une remise en contexte est selon lui nécessaire à la bonne interprétation de son discours, puisque celui-ci a été tenu le jour où 22 pays commémoraient la journée de la langue arabe, suite à une décision de la Ligue arabe dont la Mauritanie est membre depuis 1973. Le ministre affirme qu'il était donc normal de la porter sur un piédestal en ce jour, mais nie avoir dénigré les autres langues nationales faisant, selon lui, partie intégrante du pays. Pays qu'il décrit comme possédant des racines à la fois africaines et arabes.
Symbole d'un profond malaise, cette question identitaire est apparue dans le paysage mauritanien dès 1966, année pendant laquelle les élèves noirs de Nouakchott se mobilisèrent pour supprimer la mesure rendant obligatoire la langue arabe dans l'enseignement du second degré.
Une problématique latente qui constitue depuis près d'un demi-siècle un frein culturel pour la minorité négro-mauritanienne, originaire de la région du bassin du fleuve Sénégal.