L'organisation de la Coupe du monde, un test pour l'Afrique.
L'organisation de la Coupe du monde, un test pour l'Afrique.
Pour la première fois, une épreuve sportive mondialisée - et la plus importante d'entre elles - va être organisée sur le continent africain. Celui-ci a, par le passé, donné au sport beaucoup de champions. Il n'avait jamais été jugé digne de pouvoir être l'hôte d'une compétition majeure. Est-ce le signe d'un nouveau départ pour ce qui apparaît pour certain comme le continent oublié de la mondialisation ?
Pendant très longtemps, on a jugé que l'Afrique n'était pas en mesure, car elle n'avait pas les infrastructures nécessaires, de recevoir une telle compétition. Certes, l'Afrique du Sud est un pays à part. Elle représente plus de 40 % de la richesse du continent africain. Il faut voir dans le choix de ce pays une décision avant tout politique. C'est bien sûr Nelson Mandela, sa personne, la politique qu'il incarne, qui a permis à l'Afrique du Sud d'être choisie. Le démantèlement de l'apartheid de façon pacifique, la politique de réconciliation que Mandela a menée ont été récompensés par la FIFA. Mandela est d'ailleurs très certainement l'homme politique le plus populaire dans le monde.
Pour beaucoup, l'Afrique signifie guerres civiles interminables, corruption, mauvaise gestion, sous-développement, sous-alimentation, sida, émigration continue, absence de démocratie, régime autoritaire et/ou héréditaire... Un continent qui n'a pas su exploiter la richesse de ses matières premières. Il est vrai qu'il y a un certain désenchantement en Afrique du Sud. S'il y a des progrès avec la montée en puissance et la création d'une bourgeoisie noire, la construction d'une véritable démocratie, l'accès à l'eau et au logement pour une grande partie de la population, 40 % des Noirs sont toujours au chômage et la violence est endémique.
L'Afrique du Sud est, au niveau mondial, le second pays en termes de crimes après la Colombie. Avec près de 20 000 meurtres et 50 000 viols par an pour s'en tenir aux statistiques officielles. Les Blancs possèdent encore 80 % des terres agricoles (seules 5 % des terres ont été redistribuées). Le démantèlement de l'apartheid n'a pas débouché sur la création d'une réelle égalité sociale et les inégalités sont encore largement liées aux différences raciales.
Certes, il serait illusoire de croire que la seule organisation de la Coupe du monde permettra au continent africain de décoller et de faire mentir René Dumont qui, dès 1962, publiait son livre choc L'Afrique noire est mal partie. On voit néanmoins que l'Afrique a été le continent oublié des années 1990. Délaissé après la compétition Est-Ouest, il fait aujourd'hui l'objet de beaucoup d'assiduité de la part des pays extérieurs. Les grandes problématiques de la mondialisation, qu'il s'agisse d'émigration, de protection de l'environnement, de lutte contre les pandémies, des questions démographiques, de la fracture Nord-Sud… sont au cœur de l'Afrique.
La Chine y est très active et organise des sommets sino-africains qui réunissent presque 50 pays. Elle recherche les matières premières mais fait également une offre politique en mettant en avant que, contrairement aux pays occidentaux, elle ne pratique pas l'ingérence. Le Japon, qui brigue un siège de membre permanent au Conseil de sécurité, ne néglige pas non plus les voix africaines à l'ONU. Par ailleurs, il n'a pas de passif historique avec cette région contrairement à son environnement asiatique. Le Brésil lui-même semble vouloir renouer avec ses racines africaines, tandis que les Etats-Unis, bien avant l'élection d'Obama, se réintéressent au continent, ne serait-ce que pour les aspects pétroliers et la lutte antiterroriste.
L'organisation de la Coupe du monde est un test. Si elle est réussie, c'est la crédibilité de l'Afrique du Sud, et au-delà du continent africain qui sera renforcée. S'il y a échec, les afro-pessimistes verront leurs préjugés confirmés. C'est pourquoi l'Afrique du Sud a à cœur d'être à la hauteur de l'événement, et le sera très certainement.